Comme je continue la lecture systématique de tous les documents que j’ai scanné en novembre 2011, je suis arrivé à celui qui porte la référence 11885, ce qui ne termine, loin de là, la lecture de tous les documents photographié ou scannés. Toujours est-il que je partage ce texte qui me semble intéressant car il décrit l’état de Monfort en 1725 de manière assez précise. Ce document commence par ce texte : « Projet d’instruction qui sera envoyé par messieurs les intendants ou leurs subdélégués en chaque ville bourg ou paroisse de leur département. Modèle pour la paroisse Saint-Clément de la ville de Monfort en Guienne, généralité d’Auch, élection d’Armagnac« .Ce modèle a été complété en deux colonnes. La colonne de gauche sont les questions, la colonne de droite, les réponses. La séparation ici se fera au moyen de deux points. Un texte beaucoup plus détaillé suit ce travail de questions réponses :
- Le nom du lieu en français, écrit correctement : Monfort (1)
- S’il s’écrit en latin : Monfortis
- De quelle province : En Guienne (2)
- Est-ce ville, bourg : ancienne ville murée
- Village ou paroisse comprise dans le taillable : la paroisse Saint-Clément à la congrue et deux églises votives Saint-Blaise et Saint-Roch (3)
- Sur quelle rivière ? Est-elle navigable ? Y a-t-il un pont ou un bac ? : Sur une petite rivière appelée l’Arratz non navigable où il y a un pont de pierre et sur un petit ruisseau appelée l’Orbe où il y a deux ponts de pierres.
- A quelles distances des villes ou bourgs : A 8 lieues de Toulouse, 7 lieues de Montauban, 3 d’Auch, trois de Lectoure, 1 lieue de Mauvezin.
- Diocèse : Lectoure
- Gouvernement : de Guienne
- Parlement (4) : de Toulouse
- Présidial : Auch
- Baillage ou prévôté : Châtellenie du vicomté de Fezensaguet
- Sénéchaussée : Auch
- Coutume : habitants paisibles et sociables (5)
- Intendance ou généralité : Généralité d’Auch
- Cours des aides : Cour des aides de Montauban
- Élection ou recette : Élection d’Armagnac et Recette d’Auch
- Grenier à sel : nul
- Intendance d’Auch et de Navarre
- Combien d’habitants à peu près : 165 habitants dans la ville et la juridiction (6)
- La taille y est-elle réelle ou personnelle ? : La taille y est réelle
- Le revenu de la cure : la cure est à la long rue
- Qui en est le collecteur : l’évêque de Lectoure
- Y a-t-il annexe, hameau ou écart qui en dépend ? : Il n’y a point d’annexe. Les cures du Grazan, Sainte-Gemme, Homps, Esclignac et Bajonnette tous voisins sont fruit prenant en partie du taillable des hameaux d’Esparbès et Las Laques indépendant.
- La nature du terroir comme blé, vignes, prés, forêt, bois : Le terroir est composé de trois degrés : bon, médiocre et mauvais et s’y recueillent des blés, orges, avoine, légumes et peu d’autre grains. Il y a des vignes, des prés et des bois à suffisance.
- mines, minières et eaux minérales : nulle
- Abbayes, prieuré : nul
- Commanderie : nul
- couvents de filles: nul
- Maladerie ou hôpitaux : un petit hôpital ruiné et sans revenu (7)
- Le nom du seigneur haut justicier s’il y en a : le roi de France y est seul seigneur haut justicier. (8)
- La seigneurie est-elle fief de dignité comme principauté, duché, marquisat, comté, baronnie ou simple fief : La seigneurie du roi est la vicomté de Fezensaguet dont dépend ledit Monfort et la ville de Mauvezin est le chef-lieu. Monfort le second situé sur une hauteur entre trois vallons, une pleine au levant où il y a quatre moulins à vent et quatre à eau sur les dits ruisseaux.
- Quel est le commerce principal : le menu public y fait des liens ?? Sans autre commerce (9)
- Foires ? Quand ? Combien durent t’elles ? : Il y a 6 foires par an qui ne dure qu’un jour chacune.
- Marché ? Quels jours ? : marché chaque mercredi. (10)
- Manufactures : nulle
- Gériers, forges : nulle
- Carrière de pierre et de marbre nulles : beaucoup de roche et pierre commune.
- ou se consomme ce qui se fabrique dans le lieu : nulle fabrique
- A quelle ville ou bourg faut-il adresser par la poste les lettre pour ce lieu : l’adresse postale est de Mauvezin à Monfort
Enfin, ce qu’il y a d’intéressant et de plus vieux comme les choses remarquables qui y sont arrimées, les mœurs, les cérémonies :
La réponse de ces articles est pour mémoire présente fait à Monfort le 25 juillet 1725 par nous soussigné certifiant le présent véritable, Goulard consul, Mauléon ancien secrétaire du Roy, Marcassus notaire.
A l’égard des villes, bourgs et lieux considérables, ils demandent un débat plus étendu ; quand il y a plusieurs paroisses, il faut en remarquer les noms en particulier ; ainsi que les chapitres, collèges, maisons religieuses des différentes juridiction, les bureaux des droits du roi ; les édifices singuliers et autres sujets soit de littérature, d’histoire et de curiosité. Il faudra mettre ces remarques sur des feuilles séparées et les joindre au présent modèle simple. on fera honneur à ceux qui fourniront ces mémoires en y mettant leurs noms, s’ils le souhaitent.
On aurait dit que ce n’est que point servir à la perfection du livre institué du dictionnaire universel de la France in folio trois volumes qui se distribue par souscription à Paris chez les frères Songrain et Prault libraires, le prix de l’exemplaire souscrit est de 60 livres, second 30 livres comprenant la souscription à 30 livres en retirant l’exemplaire en feuille ceux qui n’auront pas souscrit les livres repayeront 100 livres en feuilles. Les souscription du grand papier sont de 100 livres en deux paiement reviendra à 150 livres.
Il y a audit Monfort ville neuve un siège royal pour l’exercice de la justice au nom du roi par le juge lieutenant et procureur du roi dudit vicomté de Fezensaguet dont le chef lieu est la ville de Mauvezin et les consuls de la dite ville ont reçu de la police des comtes ?? ?? ?? ?? à la criminelle par prévention aux officiers royaux dans la ville, juridiction et gardiage d’icelle en reste de concessions des années Comte d’Armagnac, vicomte de Fezensaguet confirmées par nos rois.
Ladite ville de Monfort a été autrefois bien murée avec des tours les quatre portes en voûte avec des bastions en défense créneaux et pont-levis ce qui est tombé en ruine par le malheur des temps.
Il y a une halle couverte, un hôtel de ville, une prison ruinée, un grand puits public, une grande église paroissiale sous la protection de Saint-Clément anciennement de Saint-Pierre (11) bâtie de belles pierres taillées de même que le clocher où il n’y a que deux cloches, quatre autres ayant été enlevée par les religionnaires protestants, le presbytère de ladite église est bien voûtée et non la nef qui est mal tenue.
Les habitants de ladite ville ont été toujours fidèle à leurs rois de France et ont souffert deux legs dans quatre ?? roi de ?? en 1581 et 1588, Henri III étant roi de France, et ladite ville ayant été prise d’assaut par l’armée d’Henri IV et par les huguenots et firent mourir les consuls à cause de leur fidélité et secondement la ville dont les murs et la plus grande partie des maisons furent ruinées, les dits habitants n’ayant pas été en état de les rebâtir.
Il y a en cette petite ville un habile curé docteur en théologie nommé Solirène, un vicaire et un chapelain de l’hôpital par la fondation d’un particulier (12). Le lieutenant de la justice royale nommé Marcassus et le procureur du roi du Fezensaguet nommé Solirène frère dudit curé sont natifs de ladite ville et capables pour l’exercice de leurs charges. Il y est fait quatre consuls. Il y réside un juge du Fezensaguet nommé Darquier de Mauleon entier ?? du roi et consultant, il y a dans ladite ville ou la juridiction plusieurs gentilshommes qui y résident et l’un d’eux nommé Vigier, chevalier de l’ordre militaire de Saint-Louis, ?? de cavalerie au régiment de Luynes, Colomé capitaine au régiment d’Orléans (13), Canet capitaine au régiment royal de la Marine, le chevalier du Bouzet capitaine au régiment de Boulonais, Ponsin autre capitaine au régiment de Champagne (14), il y a deux officiers subalternes aux troupes du roi, Deux ?? de notre ?? honnêtes bourgeois, un maître d’école et plusieurs artisans de divers métiers, un autre gradué en droit avocat au parlement nommé Druilhet, le curé, vicaire, chapelain et autres prêtres, les gentilshommes, les officiers de justice et les officiers de guerre qui sont audit Monfort en nombre sont exempt de logements de gens de guerre. Les consuls qui font les logements le public dudit Monfort.
?? au dit sacrement qui ont exposé au même autel de l’église paroissiale chaque troisième dimanche de chaque mois dans l’église par la confrérie du Rosaire est établie dans la chapelle dédiée à la sainte vierge mère de Jésus-Christ où le rosaire est récité avec les malades avec grande dévotion chaque jour de dimanche (15). La procession à l’honneur de la vierge avec son image est faite dans les rues de la ville avec solennité chaque premier dimanche du mois de même que celle du Saint-Sacrement chaque jour de la peste avec prédication pendant ?? par formation ?? du nommé Gissot qui a fondé la chapelle de l’hôpital.
Fait par nous soussigné ce 25 juillet 1725, certifiant le présent véritable, Goulard consul, Mauléon ancien secrétaire du roi, Marcassus notaire ?? de ville avons copié l’original.
Voilà donc un texte très intéressant qui montre la vie publique et privée des, très peu nombreux, monfortois en ce début du XVIIIe siècle.
Géry de Broqueville
(1) Monfort est la seule ville de France a ne pas avoir un « t » avant le « f ». Quand on regarde le patronyme en latin, on y voit bien que nous ne sommes pas en présence d’un mont fortifié. Lors de mes lectures de textes, j’ai pu rencontré plusieurs explications dont notamment dans la confirmation des coutumes de Monfort de 1278. Cela fera l’objet d’un futur article. On peut déjà souligné que le Monfortis ressort plus de la possession que de la hauteur de la ville construit autour de trois vallons comme décrit plus loin.
(2) En Guienne. Cette affirmation est intéressante car Monfort fait bien partie de la province de Guienne (Guyenne) depuis fort longtemps et ce jusqu’à la Révolution Française. Par le passé, la Guyenne faisait partie du Royaume d’Angleterre. Les Monfortois ont dû, bien souvent, osciller pour le Roi d’Angleterre ou le roi de France en fonction des batailles gagnées. C’est ainsi que dans la Guienne monumentale publiée en 1844 on aurait pu imaginé que la gravure de Monfort (présentée en début d’article) est le Monfort du Gers. Malheureusement, la gravure concerne certainement Montfort-en-Chalosse dans les Landes.
(3) La chapelle votive de saint-Roch a disparu actuellement. Le lieu est indéfinissable mais devait probablement se situer au bout de la rue Saint-Roch qui part de la place de la Mairie vers Fleurance.
(4) Le Parlement de Toulouse n’est pas un lieu où se réunissent des députés. C’est la cour de justice où les affaires en appel se jugent. Voir Wikipedia.
(5) On aurait pu s’attendre à ce que le consul Goulard nous donne les textes qui ont prévalu au moment de la création de la bastide, c’est-à-dire les textes de 1275, 1278 et peut-être d’autres encore que nous ne connaissons pas.
(6) 165 habitants, autant dire presqu’un désert. Mais il ne faut pas oublier que Monfort a été laminé dans la deuxième moitié du XVIIe siècle par des famines et la peste des années 1647-1654 dont j’ai déjà écrit un article en ce blog. Au moment de la Révolution Française, un document nous montre qu’il y a 490 personnes actives et 40 non-actives dans les mêmes lieux (PM 11882). En 1828, soit un siècle plus tard il y a 1216 habitants pour 308 maisons. (PM 11886). En 2011, Monfort comporte 480 habitants.
(7) Donc en 1725, l’hôpital Saint-Jacques et l’hospice Saint-Blaise n’existent pour ainsi dire plus bien que la chapelle de l’hôpital semble exister encore puisqu’un chapelain y officie (explication dans le texte). Un autre article mettant à jour l’ensemble des connaissances sur les hôpitaux de Monfort est en préparation dont voici déjà un aperçu dans le blog.
(8) Les Monfortois ont toujours affirmé leur attachement à la couronne de France après celle des Armagnac. C’est bien le roi qui a droit de haute justice sur les habitants de Monfort.
(9) Effectivement, le commerce a l’air très localisé entre les habitants. Outre les 6 grandes foires et les marchés du mercredi, on a presque l’impression que les Monfortois vivent en autarcie. Des textes concernant les baux à fermes pour la boucherie, pour les tavernes de Monfort montrent que le commerce tournent autour de la bastide uniquement.
(10) Le marché de Monfort à l’heure actuelle est le vendredi. La tradition n’a pas été maintenue !
(11) Ainsi donc la paroisse s’appelait Saint-Pierre avant de prendre le saint-patron Clément. Le document ne dit pas quand l’église paroissiale a changé de nom. Cela doit être avant la seconde moitié du XVIe siècle. Mais l’on ne sait pas pourquoi, ce nom a changé d’autant plus que Clément n’est pas le patronyme d’un seul saint comme on peut le découvrir dans cette page de Wikipedia.
(12) Blaise Gissot, marguillier plusieurs année de l’hôpital des pauvres de Monfort fin des année 1590, début du XVIIe siècle.
(13) Colomé, capitaine au régiment d’Orléans. Il s’agit de Jean-Baptiste de Broqueville-Colomé (1689-1771) qui a épousé en 1749 Jeanne-Marguerite de Fraisse (+ avant 1783) dont descendent les Broqueville belges.
(14) Ponsin « Autre capitaine au régiment de Champagne. Il s’agit de Louis Ponsin (1681- après 1748). Il est le fils de Louis Ponsin (avant 1648-1702) notaire et de Catherine Divat et petit-fils de Pierre Ponsin (vers 1599-1685), notaire royal et de Mathuio Broqueville-Empiroy (+ 1670).
(15) Voilà un complément d’informations à propos de l’article que j’ai écrit le 16 juillet de cette année (Appointements d’audiences rendues par les consuls). A la fin de mon texte, on y trouve un paragraphe montrant l’existence de la Confrérie de Notre-Dame du Rosaire. La réponse à ma question d’alors se trouve ici : la chapelle existe encore puisqu’elle se trouve à l’intérieur de l’église Saint-Clément.