Je ne suis pas avare de coup de gueule devant l’incurie des pouvoirs publics français incapables de sauver le plus ancien château du Gers dont les fondations remontent probablement au XIe siècle. Le château actuel a été construit fin du XVe siècle. Esclignac n’est pas qu’un château à sauver. Il s’agit de sauver un hameau qui avait sa vie propre, indépendante de celle de la bastide de Monfort, voisine

Légende pour comprendre le hameau et le château d’Esclignac avec le plan cadastrale napoléonien
  1. Château d’Esclignac.
  2. Église du hameau qui prend l’eau actuellement.
  3. Tour de garde inexistante actuellement.
  4. Bâtiments en ruine actuellement.
  5. Premier porche d’entrée du hameau.
  6. Bâtiment en relative bon état de conservation.
  7. Second porche d’entrée menant dans la « cour » du château qui n’est plus qu’une prairie.
  8. Bâtiment démoli à l’heure actuelle.
  9. Long bâtiment composé d’une salle basse bien conservée et d’une salle haute dont une partie du toit s’est effondré.
  10. Cimetière ou charnier des habitants d’Esclignac.
  11. Ruisseau d’Esclignac prenant sa source sur le territoire de Monfort. Il se jete dans le ruisseau de Lourbat pour rejoindre peu de temps après L’Orbe passant au pied de Monfort.
  12. Au vu de la forme de cette parcelle, il est possible qu’il y ait eu un bâtiment à cet endroit.

Les archives municipales de Monfort recèlent quelques documents dont, notamment, des registres paroissiaux, qui montrent le nombre d’habitants assez conséquents du hameau d’Esclignac. Le hameau possédait sa propre chapelle se trouvant non loin du château. Cette chapelle n’est plus que l’ombre d’elle-même puisque ses propriétaires actuels, les Bogdanoff, ne font rien pour relever ne fussent ces ruines-là. Bon nombre d’habitants du château, les Preissac (1), doivent probablement y être enterrés. Les Preissac sont les possesseurs durant près de 500 ans de ce château et du hameau, jusqu’à la Révolution française. Le hameau d’Esclignac avait ses propres consuls au moins durant un temps. Les maisons bordants trois côtés du hameau ont beaucoup souffert du temps.

Les métairies comme celles des Lauzéro, de Gardebois, d’en Merlet, de la Médecine situées autour des terres du château d’Esclignac faisaient parties de la juridiction de Monfort. Les terres des seigneurs de Preissac faisaient donc exception du fait de leur statut de terres nobles. Il en allait ainsi des propriétaires de terres dépendantes d’Esclignac de devoir payer la taille, non au roi, mais aux Preissac.

Un hôpital à Esclignac

Nous venons de découvrir dans ces mêmes archives municipales de Monfort un document daté de 1678 suivi d’un texte de 1688, intitulé « Acte de l’hôpital d’Esclignac contre les consuls de Monfort. » Cela veut dire qu’il y avait un hôpital dans le hameau, séparé de 2,5 km de celui de Monfort ! C’est à partir des années 1670 que la juridiction d’Esclignac passe dans le giron de Monfort. Le texte essaie de gérer les rapports entre la communauté de religieuses gérant l’hôpital d’Esclignac et les consuls de Monfort, dont elles dépendent dorénavant. Visiblement, ce sera en 1689, que l’hôpital d’Esclignac deviendra définitivement la propriété de Monfort. Cela sera acté par les consuls élus pour cette année-là.

Voici le texte (2) : « Requête et ordonnance de Monseigneur l’intendant Portant que la création des consuls de Monfort sera faite dans les livre et coutume ancienne aux différentes (illisible) pour les consuls modernes de la ville de Monfort en voie de conserver leur service à l’hôpital d’Esclignac. Signé Lafargue

« Monseigneur Foucault, conseiller du roi au conseil d’état et ?? du registre ordre de son hostel du commissaire ?? pour sa majesté pour le registre de la généralité de Montauban Suppliant humblement les consuls de la communauté de la ville de Monfort dans le siège d’Armagnac et vous remontrer que par jugement de la chambre du domaine rendu au rapport de Monsieur de Campmair le 5 juillet dernier 1678 en les suppliant d’?? à la ?? de l’hospital d’Esclignac nouveau acquéreur du domaine de sa majesté de ladite ville ?? ?? suppliant demandant maintenir tous les droits par eux dénombrés par devant le sieur d’Aspe et devant le juge mage d’Auch rendu par la chambre la 14 janvier 1672 confirmatif de la sentence rendue par ledit sieur commissaire et avant faire droit sur la requête des dites soeurs de l’hospital d’Esclignac sur les avoirs des conclus de la dite ville et autres imaginaires droits par eux prétendue en ladite qualité de ?? acquis dudit domaine.

« Il est ordonné que ladite communauté défendrait dans la huitaine lequel jugement et suppliant sur ?? a sut signifié aux sieurs et envoyé un expert à la présente ville pour instruire et poursuivre de l’inventaire dudit jugement ?? parce que la sanction des consuls s’approche en ce qu’il est comme impossible que le jugement ?? ?? d’avant le premier de l’an prochain 1679 auquel jour les dites soeur de l’hôpital d’Esclignac ne pourraient trouver pour troubler la faction des consuls suivant ?? ?? (1 ligne) la communauté est fondée en ce pour raison de ladite sanction consulaire qui ne peut ni ne doit être troublé par ma grande autorité et comportement des dits sieurs des dits jugements de la cour.

« Vous plaira de vos grâces messeigneurs ordonnons que le premier jour de l’an prochain 1679 la sanction des consuls de la ville de Monfort se faire en la forme à manière accoutumée a suivant ?? ?? a coutume dudit aux différents sœurs de l’hôpital d’Esclignac de donner au consuls de ladite communauté aucun trouble ni empêchement.« 

Suite à ce texte de 1778, le texte de 1788 est plus lisible :

« Vu la présente requête, le jugement de la chambre du domaine du 5 juillet dernier, extrait de la délibération de la communauté de Monfort du deux du présent mois, Nous ordonnons qu’il soit octroyé le premier jour de l’année prochaine à l’élection des consuls dudit lieu de Monfort de ladite année en la manière accoutumée et suivant 80 articles de coutumes faisons défendre aux dites soeurs de l’hôpital d’Esclignac d’y apporter aucun trouble et empêchement à peine de dépens, dommage et intérêt fait à Montauban ce 28 décembre 1688.« 

En fait le hameau d’Esclignac dépendait directement des seigneurs de Preissac. Il y a toujours eu une rivalité entre la ville libre de Monfort qui dépendait directement du roi avec la Maison de Preissac, descendants des grands féodaux. Ces seigneurs de Preissac voyaient d’un très mauvais œil la présence de cette bastide gouvernée par des bourgeois et des notables qui ne se sont jamais soumis aux ordres de la noblesse environnante.

Il y a bien eu une tentative d’un descendant de Guillaume Saluste du Bartas de devenir seigneur de Monfort, mais il n’a pas réussi et a été littéralement éjecté de la bastide manu militari. Nous en reparlerons dans un autre article.

Géry de Broqueville

  1. Pour découvrir la maison de Preissac, le plus simple est d’aller sur Wikipedia.
  2. Archives de Monfort dont référence personnelle 9559-9562.