Un témoin présent dans un contrat de gasaille est « escolier », ce qui suppose qu’il fait ses études « secondaires » dans le collège de Monfort. Dans la bastide, une rue porte le nom de rue de l’école. On sait par ailleurs que Monfort possédait une école depuis le XVe siècle. Actuellement, il est très difficile de situer le bâtiment.

Le texte ne nous donne aucune autre indication si ce n’est que Jean Bourgade est « escolier ». En tant que lettré il signe comme témoin. Si j’ai découvert ce témoin, c’est juste parce que ce contrat de gasaille se réalise entre Blaise Broqueville bourgeois de Monfort et noble Samuel de Thomas, seigneur du Gerba. (1)

Le système d’enseignement en France au XVIIe siècle

En France, les jeunes enfants reçoivent l’enseignement dans des écoles. On ne connaît pas l’âge où l’on quitte l’école pour aller au collège. Le témoin, même s’il est « escolier », doit certainement plus âgé qu’un enfants. Un notaire ne le ferait pas signr avec un si jeune âge. Jean Bourgade est donc certainement au collège. Un élève du secondaire était « escolier » jusqu’en rhétorique. Après le collège il passe à l’université où il devient étudiant.

Nous savons cela grâce à un article publié dans la base de donnée « Persée » sur Internet qui donne des chiffres parfois fort précis concernant les collèges présents en France. Celui de Monfort n’est pas répertorié ce qui me fait penser qu’à Monfort, il n’y en a pas mais bien une école accueillant les enfants probablement jusqu’à l’âge de 12 ans.

Selon cet article, les collèges qui drainent les Monfortois sont basés à Auch où l’on dénombre en général environ 900 « escoliers » chaque année. Auch ratisse jusqu’à 40 km à la ronde ce qui inclut effectivement Monfort. Il est donc très probable que Jean Bourgade est de passage à Monfort étant basé à Auch pour suivre ses études. Ces collèges étaient en majorité dirigé par les Jésuites accueillant généralement les nobles. A Auch qui est une ville plus rurale, on compte une présence de 10 % de nobles le reste étant des hobereaux.

Dans la première moitié du XVIIe siècle, les familles veulent mettre leurs enfants à l’école pour mieux les armer dans la vie mais aussi pour les pousser à grimper socialement. Les écoles et les collèges croulent sous les demandes au point où certains s’inquiètent que certains métiers indispensables soient en pénurie : « Car la trop grande fréquence des collèges occasionne de quitter le commerce, l’exercice de l’agriculture, et autres arts nécessaires à la vie et société politique pour se précipiter aux escoles, sous l’espérance que chacun a d’accroistre et augmente sa condition, en portant une robbe plus longue que de l’ordinaire. » (2)

L’école étant gratuite, les couches les plus pauvres et laborieuses envoient leurs enfants dans les écoles et les collèges. Les métiers de nos Broqueville semblent devoir être relativiser quand on lit ce texte écrit en 1626 :  » Je veux croire, enchaîne l’avis donné à Messieurs de l’Assemblée du Clergé, en 1627, que l’intention de ceux qui nous ont donné ce nombre effréné de collèges était bonne, mais l’expérience nous a fait voir que les effets en sont pernicieux. Premièrement, ils ont fait quantité de lettrés, peu de savants, et puis la facilité a fait que les moindres artisans et les plus pauvres laboureurs ont envoyé leurs enfants à ces écoles où on montre gratuitement, ce qui a tout ruiné : Quiconque a mis le nez dans les livres, dès l’heure s’est rendu incapable de toute vacation. Si, dans un bourg, quelqu’un a appris trois mots de latin, soudain, il ne paye plus la taille; il est procureur, syndic, ou tabellion, ou sergent et par ce moyen ruine ses voisins et chasse ses co-héritiers.  » (3)

Un projet qui n’a pas vu le jour évoqué par le cardinal de Perron était de réduire le nombre de collèges à une douzaine pour toute la France. Le Roy lui même voulait limiter le nombre de lettrés tant il y avait pénurie de mains d’œuvre à cause de la présence de milliers d’écoliers incapable de faire autre chose que d’étudier. Au vu de la rareté des écrits et l’absence de bibliothèque dans les collèges ou les universités, il fallait près de 20 ans d’étude pour arriver à avoir un diplôme !

Ainsi, l’on voyait le processus d’enseignement de cette manière : « Dans ces écoles, on enseigneroit seulement à lire et à escrire, chifrer et compter, et en mesme temps on obligeroit ceux qui sont d’une naissance basse et inepte pour les sciences à apprandre des mestiers et on excluroit mesme de l’escriture ceux que la Providence a fait naistre d’une condition à labourer la terre, auxquels il ne faudroit aprendre qu’à lire seulement, à moins qu’on remarquast en eux des semences de lumière et d’ouverture pour les sciences pour lesquelles ils méritassent d’estre exceptez de la loy commune. Les écoliers, reconnus « capables de hautes sciences » par les principaux de ces écoles, pourraient passer des écoles aux collèges et aux universités; mais eux seulement. Ainsi, « on contiendroit dans le commerce et les arts mécaniques ceux qui par leur naissance et par la qualité de leur esprit doivent estre exclus de l’estude des lettres, sans néanmoins éloigner ceux que Dieu favoriseroit »

Quand on parcourt les registres des notaires de Monfort, on se rend compte qu’au XVIIe siècle de plus en plus d’habitants savent signer, ce qui veut dire qu’ils ont été au moins à l’école. Mais l’on voit quand même que parmi certaines familles dont les Broqueville, ceux qui ont une ascension sociale en devenant marchand, bourgeois, notables, substitut, consuls savent effectivement signés alors que ceux qui reste, brassier ou laboureur n’en ont pas la possibilité.

Pour rien au monde, les Broqueville n’auraient accepté la disparition de l’école de Monfort tant cette dernière a été bénéfique pour l’ascension sociale de la famille. Fort heureusement, certaines filles ont eu aussi accès à l’école.

Géry de Broqueville

(1) Notaire Ponsin coté 3E8981 aux AD32 (23980-23981)

(2) Mercure François, 1624, t. X, p. 432.

(3) G. Hanotaux p. 461.